L'appart du Sultan

Ce matin tout va bien, je me suis levé en forme, et il fait beau après les légères pluies de la nuit dernière. La personne qui a fait ma chambre hier, avec le plus grand soin comme d'habitude a pris soin de ranger mes affaires de toilettes sur une serviette pliée en deux. Cela dénote de l'attention portée aux autres ici et de la qualité de service. Au moment de quitter la chambre et comme tous les jours, je vais prendre une paire de chaussures différente de celles d'hier histoire de les laisser respirer. Un moment mon cœur s'arrête de battre, en ouvrant le placard je constate que mes trois autres paires de chaussures ont disparues…. Dont une paire de Berlutti au prix que vous connaissez. Je trouve d'abord étrange que l'on s'attaque à des chaussures alors qu'il y a pléthore de matériel informatique et photo dans la chambre puis pivotant sur moi même je me rend compte que l'homme ou la femme de chambre bien intentionné, pensant que je devais être un peu demeuré à sorti mes chaussures du placard pour les ranger à leurs place sous le porte valise!

Rassuré sur le devenir de mes précieux souliers, je file au petit déjeuner. Moins copieux ici qu'au Golden Tulip il n'en est pas mois tout à fait honorable compte tenu de la différence de prix. Je termine mon assiette salée et me prépare à aller chercher mes habituelles pâtisseries et fines lamelles de melon, vert, blanc et orange quand l'un des trois allemands que je vois tous les matins, distrait ou mal réveillé, manque de peu de s'asseoir à ma table m'ayant confondu avec son collègue qui pourtant ne me ressemble pas! Pas étonnant qu'ils aient perdu la guerre ;-))

Sur le chemin du bureau en voyant les embouteillages, trois Km à vue de nez, dans le sens province capitale, je me dis que j'ai bien de la chance de circuler dans ce sens. Je me souviens alors que dans l'avion à quelques sièges de moi, encore un allemand, montrait fièrement à son voisin un livre des années 70 trouvé par hasard et sur lequel on voyait des photos de la baie ou la ville a été édifiée. Trente ans en arrière cet endroit était désert, c'est à peine imaginable aujourd'hui.

Vers 11h on vient me chercher, encore une bouffe. Cette fois-ci ce n'est pas à l'occasion de l'achat d'une nouvelle voiture mais pour un anniversaire!!! Je décline poliment l'invitation, je ne vais pas faire quatre repas par jour tous les jours. Je me remet au travail sur une liste du personnel que j'ai fini par obtenir. Pour des raisons techniques et non pas par pur vice, je suis amené à calculer la longueur moyenne des couples noms / prénoms qui m'ont été transmis. Et la bug!!! La moyenne est de 21. Le plus court de 9 reviens à un anglais bien sur et le record à  Mr Mohammed Saif Noormohammed Al Balushi. Et pendant ce temps la mon colocataire de bureau émet régulièrement des petits borborygmes qui me laissent songeurs.

Nous arrivons vers 14h30 au club et trouvons devant leur verre de bière et de vin respectifs les trois mêmes âmes en peine que la première et dernière fois….  John prend  ses habituels club sandwiches et moi je change pour une salade niçoise histoire de rigoler. Il se fait inviter, compte tenu du prix ridicule, je ne me fais pas prier (deux repas lights et deux grands softs fait maison comme les anglais savent les faire 1,775 OMR soit même pas deux euros!!). Servis par des serveurs indiens on a un peu l'impression d'être aux colonies britaniques. Compte tenu de la vie qu'il mène et du fait que  je l'ai vu quitter le bureau avec une semaine de travail sous le bras, je lui demande s'il a le temps de s'adonner à quelque hobby. Sa réponse ne m'étonne pas et me fait de la peine pour lui: il n'en a pas…. Sorti de son boulot et de ses deux petits enfant qui vivent en Grande Bretagne, il va de temps en temps au ciné mais c'est tout… Quel malheur de n'avoir rien d'autre dans la vie que le boulot…

Compte tenu de l'heure qui avance nous quittons le club pour nous rendre à l'appartement que RF aimerait que j'occupe pour faire des économies… John a pris quand même le soin de me préciser que je n'étais pas obligé d'accepter et que je devrais si j'acceptait négocier avec le responsable des contrat pour obtenir une compensation financière du fait de la perte d'un certain confort comme l'absence de room service ou de service de blanchisserie. Le complexe d'habitation (compendium) de RF est principalement composé de maisons mitoyennes pour les familles, les célibataires étant hébergés dans des appartements dans un petit immeuble de trois étages. De l'extérieur l'immeuble n'est pas neuf mais propret mais arrivé devant la porte un étrange sentiment m'envahi. Une fois la porte ouverte ce n'est plus un pressentiment mais un sentiment de désolation. Un peu dans le style que j'ai ressenti en arrivant en 95 à Beyrouth. C'est sale, vieux, bricolé…. Je ne vais sûrement pas vivre la dedans pour faire économiser 100 euros par jour à un type qui a 10 avions pour lui tout seul et qui vient encore de s'offrir un B747-800 tout neuf!!! Je reste dans mon hôtel avec son room service, sa blanchisserie, ses femmes de chambre etc etc.